De Gaulle et l'Europe

 

Une Europe des Nations

Dès 1943, influencé par Jean Monnet, le général de Gaulle se rallie à la nécessité de construire une Europe pour assurer la paix future du continent. Le passage au pouvoir des années 1944-1945 est déjà marqué par des initiatives en ce sens, notamment en direction du Bénélux. Cependant, la conception que le général de Gaulle se fait de la construction de l’Europe est confédérale : celle d’une Europe des nations, qui y conserveraient leur souveraineté. La progressive mise en place du modèle fonctionnaliste de Jean Monnet (mettre en place une Europe supra-nationale par l’intégration économique, stratégie déployée à partir de la déclaration Schuman de 1951 et de la mise en place de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier) rencontre son hostilité : opposé à la CED, le Général n’est pas non plus favorable aux traités de Rome, instituant notamment la CEE, que les leaders gaullistes au parlement combattent.

Dans un entretien avec Léo Hamon, datant de 1957, le Général livre le fond de sa pensée : l’ouverture du marché du travail français lui semble inenvisageable, car elle conduirait à déséquilibrer le marché du travail en France tout en remettant en cause la souveraineté économique du pays.

Un Européen de raison ?

En 1958, beaucoup de dirigeants européens s’attendent donc à voir le Général remettre en cause un traité auquel il n’a pas caché son opposition. Il n’en est pourtant rien. Au contraire, le plan d’assainissement Pinay-Rueff de 1959 est souvent interprété comme une volonté du Général de redresser l’économie française pour la rendre capable de profiter des opportunités offertes par le Marché commun.

Cependant, le général de Gaulle impose plusieurs de ses orientations dans le processus de construction européenne. Tout d’abord, il plaide pour une Europe réduite (six pays, France, Allemagne, Italie, Bénélux) et indépendante des Blocs. A deux reprises, il met son veto à la candidature anglaise au Marché commun (1963 et 1967), en partie parce qu’il y voit le « Cheval de Troie » des Etats-Unis. D’autre part, et c’est là son principal combat, il plaide auprès de ses partenaires pour une Europe des Nations au sein de laquelle la part de supranationalité serait limitée : c’est le sens du traité de l’Elysée (20 janvier 1963), qui crée le « couple franco-allemand », mais également des deux plans Fouchet (1961 et 1962). Dans ce domaine, le Général s’oppose aux conceptions fédéralistes de Jean Monnet, également défendues par certains pays, comme les Pays-Bas. Sur la question de la supranationalité, De Gaulle n’hésite pas à entrer en conflit avec ses partenaires : refusant un vote à la majorité qualifiée sur des questions qu’il estime relever de la souveraineté nationale, il n’hésite pas à pratiquer la politique de la « chaise vide » (juin 1965-janvier 1966) lors des réunions européennes, pour parvenir au compromis de Luxembourg, qui laisse le droit de veto à tout pays estimant que ses intérêts vitaux sont menacées par une directive communautaire.

En somme, le Général inscrit la France dans une première phase de la construction européenne, marquée par le choix d’une petite Europe (six pays), et par la prédominance d’un modèle confédéral.

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