Henri Ecochard, ancien combattant des Forces Françaises libres (FFL), est décédé le samedi 4 avril 2020. La presse, notamment le journal Le Monde, lui a rendu un juste hommage. Nous publions le témoignage qu’il avait donné lors d’un séminaire de l’aviation légère de l’Armée de terre en 2018.

HOMMAGE À HENRI ECOCHARD

Henri Ecochard (à droite) en compagnie du général Cuche lors du voyage commémoratif organisé par la Fondation Charles de Gaulle à l’occasion des 50 ans de la reconnaissance diplomatique de la Chine populaire par la France, 2014.

Né en avril 1923, Henri Ecochard, âgé de 17 ans, s’embarque pour l’Angleterre à la Rochelle, profondément choqué par le discours de Pétain du 17 juin 1940, demandant au Français de cesser le combat. Mentant sur son âge, il y intègre l’Infanterie en tant que soldat au sein des FFL. En juin 1941, alors caporal, il participe à la fin de la campagne de Syrie dans une automitrailleuse au sein du 1er Spahi. De 1942 à 1943, il prend part aux campagnes d’Égypte, de Libye et de Tunisie. Nommé aspirant, il passe le brevet de pilote en juin 1943 et combat en tant que pilote de Piper Cub au sein de la 1ère DFL, lors du débarquement en Provence et durant la campagne de France.

Henri Ecochard est l’auteur de la base de données regroupant 60 000 Français libres, connue sous le nom de « Liste Ecochard », qui constitue un outil de référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la France Libre.  Cette liste est téléchargeable sur le site de la Fondation Charles de Gaulle : https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/forces-francaises-libres/

Membre de la Convention de la Fondation Charles de Gaulle, il suivait nos travaux avec attention et bienveillance.

Intervention d’Henri Ecochard lors d’un séminaire de l’aviation légère de l’armée de terre en 2018 :

Après la campagne de Tunisie, terminée le 06 mai 1943, j’étais très heureux d’apprendre qu’après trois ans de port de la tenue britannique, le général de Gaulle soldait nos comptes avec ces pointilleux Anglais, et que nous allions recevoir les tenues américaines. Nous avions un peu peur au début, au sujet de cette nouvelle aviation légère d’artillerie qui devait être attribuée à chaque division, parce que le général Giraud, cet homme sans imagination, qui était encore le patron à Alger, avait déclaré que cette nouvelle arme ne l’intéressait pas. En réalité, Eisenhower lui dit : « c’est à prendre ou à laisser ! » Il les prit donc, sans enthousiasme. Déjà en 1940, je rêvais d’aviation. Le Grand Charles, à qui j’avais demandé d’être affecté à l’aviation, m’avait dit « je n’ai pas de sous, et j’ai besoins de fantassins. » Alors de 40 à 43, j’ai servi dans l’Infanterie.

Fin 1943, à Alger, apprenant que je pouvais poser ma candidature pour passer sur Piper Cub, j’ai indiqué dans ma demande, qu’au lycée, en 1938, je m’étais inscrit à l’Aviation Populaire, sans y préciser toutefois que c’était pour maîtriser les modèles réduits ! Quand je suis arrivé à l’école de Piper Cub, à Ain-Temouchent, à côté d’Oran, heureusement, l’instructeur, un adjudant, a été très chic : il n’avait jusqu’à présent, affaire qu’à des candidats d’Algérie qui possédaient déjà leur propre avion de tourisme. Et très gentiment, il m’a appris en une heure, à faire croire que je savais piloter. Je fus émerveillé de la rustique simplicité du Piper Cub. Quand je fus affecté à la Division Française Libre, la livraison d’un Piper Cub dans une caisse en bois conçue pour devenir l’atelier m’époustoufla également. Cette nouvelle arme fut magnifique pour améliorer la cohésion Infanterie-Artillerie et fut surtout très profitable pour tous quant aux résultats.

Permettez-moi de citer l’un des comptes-rendus de missions, celle du 10 juin 1944, en Italie, au nord de Rome, d’un de mes observateurs, Pierre Simonet:

« À 500m d’altitude nous survolons la petite route de forêt menant à Castel Giorgio, sur laquelle nos fusiliers-marins se sont engagés. Ils avancent en Jeep, collés au terrain. De là-haut, je vois plus loin et plus vite. Bientôt apparaît un petit village où circulent quelques véhicules. Je me rapproche et dois faire plusieurs passages pour identifier nos soldats, arrivés jusque-là.

Un message radio du commandement me parvient :

– Allo Canard [c’est l’indicatif de mon camarade Pierre Simonet], les Américains qui progressent sur notre aile droite nous demandent la permission de tirer sur le village situé en 41/33.

Je vérifie les coordonnées sur ma carte. C’est précisément le village que je survole. Je saisis le combiné :

– Ici Canard. Ce village est déjà entre nos mains. Qu’ils ne tirent pas.

Nous avions encore un peu d’essence. Nous poursuivons pour dénicher où les Boches sont planqués. […] Au bout d’une ligne droite, […] un gros char attend à l’affût. Je situe la bête par ses coordonnées que je communique immédiatement au commandement. Les choses se précipitent. Deux minutes, pas plus, et je reçois la réponse.

– Canard, nous envoyons une salve de batterie. J’observe le tir :

– Ici Canard, la salve est tombée à deux cents mètres au sud-est du char. La batterie ajuste son tir.

A court d’essence, nous rentrons, mais j’ai le temps de passer la consigne à mon successeur qui poursuivra mon travail.

Je ressens la joie du travail bien fait. J’ai localisé nos troupes qui avaient avancé plus vite que prévu. Le village que l’artillerie américaine s’apprêtait à pilonner était déjà entre nos mains : il a été épargné. Nos fusiliers-marins qui progressent sur la route savent où l’ennemi les attend et agiront en conséquence. »

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