LA NATALITÉ, UN ENJEU VITAL POUR L’AVENIR DE LA FRANCE

par Jean-Marie Dedeyan
Vice-président de la Fondation Charles de Gaulle

Depuis une dizaine d’années, le nombre de naissances en France ne cesse de diminuer. L’INSEE a publié à la fin du mois de juillet dernier les chiffres des naissances enregistrées au cours des six premiers mois de 2023, en baisse de 6,8% par rapport à la même période de 2022.

En janvier 2021, les chiffres publiés par l’INSEE traduisaient déjà une forte diminution des naissances à la suite du confinement instauré pour faire face à la pandémie de Covid 19. Mais quelques mois après, la natalité semblait avoir rattrapé son retard conjoncturel avec 723 000 naissances en 2022, avant d’enregistrer une nouvelle baisse correspondant vraisemblablement à une attitude de prudence des couples face aux tensions provoquées par le conflit russo-ukrainien.

Aujourd’hui, le taux de fécondité n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire et, avec 313 300 décès pour 314 400 naissances au cours du premier semestre de cette année, le solde naturel (différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès sur la même période) n’a jamais été aussi faible depuis 1945.

En outre, bien que la France demeure le pays le plus fécond d’Europe, si la baisse de la natalité y persiste au deuxième semestre, le taux de fécondité au 31 décembre 2023 devrait descendre à 1,67 % enfant par femme alors qu’il faudrait théoriquement un taux de 2,07 (780 000 naissances par an) pour assurer le remplacement des générations actuelles et éviter que la population française [1] continue à diminuer durablement comme c’est le cas depuis 1975.

Cette persistance de la baisse de la natalité est d’autant plus préoccupante pour l’avenir de notre Pays que les enfants qui ne sont pas nés ces deux dernières années représentent, en fait, autant de travailleurs en moins de 2040 à 2080 et, dès lors, moins de cotisants pour les retraites, moins de consommateurs, des difficultés de recrutement ou de fonctionnement pour les entreprises et une diminution des recettes fiscales de l’Etat.

Or, les projections les plus sérieuses prévoit que la tranche d’âge des 75-84 ans va passer de 4 millions à 6 millions au cours de l’actuelle décennie et que les progrès réalisés dans le domaine de la santé des seniors vont permettre aux plus âgés (85 ans et plus) de passer de 2,5 millions à 4,8 millions entre 2030 et 2050. Une telle évolution nécessite une politique démographique visant aussi bien la relance des naissances pour consolider l’apport des cotisants que l’accompagnement du vieillissement et des mesures concrètes à hauteur de cet enjeu sociétal.

Raymond Debord, sociologue de la famille, a souligné dans son livre « Faut-il en finir avec la famille » (paru aux Editions Critiques en 2022) que les dépenses à engager pour une politique familiale ne seront pas une charge, mais un investissement et que « le coût du déclin serait incomparablement plus élevé ».

Certes, l’Etat mène une politique d’allocations et de fiscalité en faveur des familles. Il s’efforce d’augmenter le nombre de crèches et d’adapter les horaires scolaires des jeunes enfants pour permettre à leurs parents de continuer à travailler. Mais la réduction du plafond familial, la mise sous condition de ressources des allocations familiales, l’inflation qui est venue renchérir le coût de la vie et de la santé, rendant plus difficile l’accès au logement, obligent de nombreux ménages à ajuster leurs dépenses.

L’évolution du mode de vie et des loisirs, l’égalité des femmes et des hommes face au travail, une certaine inquiétude face aux effets de la mondialisation, aux tensions et aux conflits dans différentes régions du monde, voire des considérations climatiques ou environnementales ont, en outre, peut-être incité certains couples à retarder un projet parental.

Face à la baisse de sa natalité et aux enjeux démographiques qui en résultent la France est donc désormais confrontée au défi d’une véritable grande politique familiale mise en œuvre pour mieux accueillir l’enfant en renforçant les aides à la parentalité et à la solidarité intergénérationnelle.  Les efforts à entreprendre ne sont ni de droite, ni de gauche. Ils s’inscrivent dans l’«instinct vital de la nation tout entière » dont le général de Gaulle a magistralement tracé la ligne pour les générations présentes et futures.

Il faut, par conséquent, traiter les enjeux, les voies et les moyens d’une politique de la famille en dehors de toute idéologie ou de tout engagement partisan. Il faut associer à la réflexion de nos gouvernants présents et futurs les organisations syndicales, les associations familiales, des femmes et des hommes qualifiés issus des différents territoires régionaux…,  considérer que l’enfant n’est pas une charge financière ou matérielle mais une source d’épanouissement humain, un membre essentiel de toute nation désireuse d’assurer son avenir, son indépendance, son rayonnement, et un maillon indispensable de « la transmission d’une culture héritée des générations qui nous ont précédés afin qu’elle se perpétue dans le futur » [2].

Les dispositifs et les instruments actuels de soutien à la natalité n’étant plus adaptés à l’évolution de la démographie, l’objectif doit être de mettre au point une politique familiale moderne visant à rétablir un juste équilibre entre les générations par des mesures dégageant les ressources nécessaires pour favoriser les naissances et redonner sa place à la famille dans une France qui ne parvient pas à rajeunir et dont la cohésion se fragilise.

Car un pays dont la démographie diminue ne tarde pas à « se révéler tout aussi incapable de triompher de la concurrence internationale que de continuer à assurer sa cohésion et une protection sociale qui est à l’honneur d’une civilisation fondée sur la dignité et la solidarité humaine » [3].

    [1] La population française comptait 68 millions d’habitants au 1er janvier 2023, dont 2,2 millions dans ses départements et territoires d’outre-mer. 20% des Français ont plus de 65 ans, 18%moins de 15 ans.

    [2] Citation de Laurent Chalard dans une tribune publiée par le Figaro Vox (3 mars 2021)

    [3] Source : « La Lettre de Michel Debré » Numéro 37 (avril 1981)

    NDLR : Nous envisagions déjà cette évolution préoccupante dans la Lettre d’information électronique de la Fondation Charles de Gaulle publiée le 16 décembre 2021. Les lecteurs intéressés peuvent accéder au dossier en cliquant sur le lien d’accès suivant.

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