Charles de Gaulle

LA TRANCHÉE, SYMBOLE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

Le texte de référence

« Durant des heures, et parfois des jours, le bombardement écrase les positions et brise les volontés. Un morne abattement s’empare de tous ceux que la mort n’a pas pris. Les combattants végètent, sans sommeil, sans vivres, sans eau, […], ne désirant que la fin de l’épreuve, quelle qu’elle puisse être, mais immédiate.

Cependant, l’adversaire est passé à l’assaut. […] Les obus tombent encore sur les tranchées quand des cris : « Les voilà ! » dressent les survivants. A quelques mètres, dans la fumée et la poussière, on voit apparaître l’ennemi. Mais, pour se ressaisir, prendre les fusils, faire feu, armer et lancer les grenades, mettre en action les mitrailleuses, il faut quelque délai. Du reste, les armes couvertes de terre refusent souvent le service. Et puis des chefs sont tués, des groupes sont décimés, des équipes anéanties. Parfois les vagues d’assauts noient la résistance avant qu’elle ait pu s’organiser. […]

Mais elle a rempli sa tâche, c’est-à-dire gagné du temps. Le commandement a pu se ressaisir […]. Des renforts accourent […]. Des résistances, qui fléchissaient, se raniment du coup. […]. La discipline, l’ordre renaissent. Bientôt, sur le champ de bataille, une sourde confiance pénètre les combattants. On dit : « Ils ne passeront pas. » »

Charles de Gaulle, La France et son armée, Présentation d’Hervé Gaymard, Paris, Perrin, 2011, pp 277-279.
Édition originale publiée chez Plon en 1938.

Repères biographiques et historiques

Charles de Gaulle est né le 22 novembre 1890 à Lille dans une famille aisée de catholiques patriotes. Formé à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, il en sort sous-lieutenant en 1912 et est affecté au 33e régiment d’infanterie d’Arras sous les ordres du colonel Philippe Pétain. Blessé trois fois lors de la Première Guerre mondiale et fait prisonnier par les Allemands lors de la bataille de Verdun en 1916, il tente en vain de s’évader à plusieurs reprises. Après la Grande Guerre, il est admis en 1922 à l’École supérieure de la guerre qui ouvre aux hautes fonctions dans l’armée.

Durant l’entre-deux-guerres, il occupe des postes d’état-major, participent à des conférences et rédigent des livres qui lui valent une réputation d’officier brillant à la pensée non-conformiste. Ses conceptions militaires diffèrent en effet de celles de l’état-major, favorable à une stratégie défensive, alors que les siennes prônent le recours massif aux chars pour mener une guerre de mouvement efficace, comme il le souligne dans Vers l’armée de métier, ouvrage paru en 1934. Dans La France et son armée, publiée en 1938, de Gaulle, qui commande alors le 507e régiment de chars de combat à Metz, retrace l’histoire militaire du pays et établit dans le dernier chapitre une analyse de la Première Guerre mondiale, guerre essentiellement de position à laquelle il est opposé depuis le développement des chars et de l’aviation.

Aller plus loin : Consulter une biographie de Charles de Gaulle

Les pistes pédagogiques

1. Points de programme

  • En classe de 3ème :
    – Français : « Se raconter, se représenter. »
    – Histoire : « Civils et militaires dans la Première Guerre mondiale.
  • En classe de Première :
    – Français, voies générale et technologique : « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle. »
    – Histoire, voie générale : « La Première Guerre mondiale : le « suicide de l’Europe » et la fin des empires européens. »
    – Histoire, voie technologique : « La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens. »

2. Objets d’étude

  • La guerre des tranchées ou la révélation de la violence de masse chez les combattants (armes de destruction massive, conditions de vie matérielles et psychologiques, moyens pour « tenir »).
    Documents en écho : lettres de Charles de Gaulle à sa mère (voir l’onglet suivant) et une photo de lui dans une tranchée.
  • (D)écrire l’indicible ou comment raconter l’expérience combattante.
  • La Grande Guerre, matrice de l’usage du char dans la pensée stratégique de De Gaulle ?
  • Écrire pour agir : l’écriture comme vecteur d’une réflexion conduisant à l’action (De La France et son armée à l’appel du 18 juin 1940).

3. Pistes pour une tâche finale

 

  • Rédiger un journal (journal intime ou journal militaire) pour relater l’expérience combattante.
    Possibilité de remettre aux élèves des documents à insérer et à prendre en compte dans le journal intime, comme un livret militaire vierge, des photographies d’objets issus de l’artisanat de tranchées, des jeux et la une d’un journal de tranchées.
  • Associer une œuvre iconographique ou une séquence filmique au texte et justifier le choix.
  • Construire l’édition numérique enrichie du texte (notes, illustrations, éléments d’interactivité…).
  • Élaborer une note d’intention pour passer du texte à sa mise en images filmiques.
Les textes complémentaires : lettres de Charles de Gaulle à sa mère

« 17 janvier 1915

Ma bien chère Maman,

Nous sommes pour l’instant au repos, et de fait nous en avions besoin après trois semaines passées dans une boue effroyable et un combat où nous avons laissé quelques plumes. Le régiment ne contient plus que bien peu d’officiers, car outre ceux que nous perdons au feu, il y en a de plus en plus qui tombent malades, ne pouvant supporter cette existence fort dure il est vrai, physiquement et moralement. […]

Et pourtant, il n’y a pas à dire, il faut absolument tenir le coup. […] Du reste, les terrains sont dans un tel état, surtout par ici, qu’il y a pour le moment de très grosses difficultés de ce fait à des actions de grosses forces. […]

J’ai reçu de vous, ma bien chère Maman, tout ce dont vous m’avez parlé dans vos lettres. L’arrivée des paquets sur le front a toujours lieu régulièrement. […]

Je vous embrasse mille fois, ma bien chère Maman ; mille affections à Papa et à Pierre. La Victoire sera pour nous, soyez-en certaine, mais cette guerre est décisive : il s’agit d’être ou de ne plus être ; c’est dire qu’il faut savoir accepter tous les sacrifices sans exception.

Votre fils très affectionné et respectueux.

Charles de Gaulle »

Charles de Gaulle, Lettres, Notes et Carnets, « Tome 1 : 1905-1918 », Paris, Plon, 1980, pp 144-146.


« 19 janvier 1915

Ma bien chère Maman,

La neige tombe aujourd’hui à gros flocons. Elle nous laisse indifférents, mais nous souhaitons qu’elle amène une forte gelée permettant de sortir de la boue effroyable où nous pataugeons au grand dommage de notre offensive. […]

Tout ceci écrit en courant.

Mille affections à vous, à Papa, à Pierre.

Votre fils très affectionné et respectueux.

Charles de Gaulle »

Charles de Gaulle, Lettres, Notes et Carnets, « Tome 1 : 1905-1918 », Paris, Plon, 1980, p 146.


« 23 décembre 1915

Ma bien chère Maman,

J’ai bien reçu votre caoutchouc, vos bottes, votre gilet et votre lampe, le tout très bienvenu et très pratique.

Nous vivons dans l’eau comme des grenouilles, et pour en sortir, il faut nous coucher dans nos abris sur nos lits suspendus. […]

Je vous embrasse cent fois, ma bien chère Maman. Mille affections à Papa et à Pierre. Bien des choses à mes cousins.

Connaissez-vous parmi nos parents ou nos relations une demi-douzaine de dames ou de jeunes filles qui voudraient avoir des filleuls à la mode de la guerre. De vrais filleuls, vraiment combattants, vraiment dignes d’être aidés, des fantassins de la 10e Cie du 33e pour tout dire ?

Votre fils très affectionné et respectueux.

Charles de Gaulle »

Charles de Gaulle, Lettres, Notes et Carnets, « Tome 1 : 1905-1918 », Paris, Plon, 1980, pp 273-274.

LA FRANCE LORS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE :
DE L’EFFONDREMENT AU REDRESSEMENT, DE VICHY À LA FRANCE LIBRE

Les textes de référence

« Le 10 mai [1940], l’ennemi, ayant auparavant mis la main sur le Danemark et presque toute la Norvège entamait sa grande offensive. Celle-ci serait, de bout en bout, menée par les forces mécaniques et par l’aviation, la masse suivant le mouvement sans qu’il ne fût jamais besoin de l’engager à fond. […] On peut dire qu’en une semaine le destin était scellé. Sur la pente fatale, où une erreur démesurée nous avait, de longtemps, engagés, l’armée, l’État, la France roulaient maintenant, à un rythme vertigineux. […]

Le 16, rejoint par un embryon de mon état-major, je fais des reconnaissances et recueille des informations. […] Sur toutes les routes venant du nord affluent de lamentables convois de réfugiés. J’y vois, aussi, nombre de militaires désarmés. Ils appartiennent aux troupes que l’offensive des Panzers a mises en débandade au cours des jours précédents. Rattrapés dans leur fuite par les détachements mécaniques de l’ennemi, ils en ont reçu l’ordre de jeter leurs fusils et de filer vers le sud pour ne pas encombrer les routes. « Nous n’avons pas, leur a-t-on crié, le temps de vous faire prisonniers ! »

Alors, au spectacle de ce peuple éperdu et de cette déroute militaire, au récit de cette insolence méprisante de l’adversaire, je me sens soulevé d’une fureur sans bornes. Ah, c’est trop bête ! La guerre commence infiniment mal. Il faut donc qu’elle continue. Il y a, pour cela, de l’espace dans le monde. Si je vis, je me battrai, où il faudra, tant qu’il faudra, jusqu’à ce que l’ennemi soit défait et lavée la tache nationale. Ce que j’ai pu faire, par la suite, c’est ce jour-là que je l’ai résolu. […] »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 « L’Appel (1940-1942) », Paris, Plon, 1954, pp 33-36.


« [Le 30 mai 1940] Dans mon cantonnement de Picardie, je ne me fais pas d’illusions. Mais j’entends garder l’espérance. Si la situation ne peut être, en fin de compte redressée dans la métropole, il faudra la rétablir ailleurs. L’empire est là, qui offre son recours. La flotte est là, qui peut le couvrir. Le peuple est là qui, de toute manière, va subir l’invasion, mais dont la République peut susciter la résistance, terrible occasion d’unité. Le monde est là, qui est susceptible de nous fournir de nouvelles armes et, plus tard, un puissant concours. Une question domine tout : les pouvoirs publics sauront-ils, quoi qu’il arrive, mettre l’État hors d’atteinte, conserver l’indépendance et sauvegarder l’avenir ? Ou bien vont-ils tout livrer dans la panique de l’effondrement ? »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 « L’Appel (1940-1942) », Paris, Plon, 1954, p 43.


« Ainsi, parmi les Français comme dans les autres nations, l’immense concours de la peur, de l’intérêt, du désespoir, provoquait autour de la France un universel abandon. Si nombre de sentiments restaient fidèles à son passé, si maints, calculs s’attachaient à tirer parti des lambeaux que lui laissait le présent, nul homme au monde, qui fût qualifié, n’agissait comme s’il croyait encore à son indépendance, à sa fierté, à sa grandeur. Qu’elle dût être désormais, serve, honteuse, bafouée, tout ce qui comptait sur la terre tenait le fait pour acquis. Devant le vide effrayant du renoncement général, ma mission m’apparut, d’un seul coup, claire et terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c’était à moi d’assumer la France. »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 « L’Appel (1940-1942) », 1954 Paris, Plon, 1954, p 73.


« Quant à moi, qui prétendais gravir une pareille pente, je n’étais rien, au départ. A mes côtés, pas l’ombre d’une force, ni d’une organisation. En France, aucun répondant et aucune notoriété. A l’étranger, ni crédit ni justification. Mais ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite. C’est en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais trouver l’autorité. C’est en agissant comme champion inflexible de la nation et de l’État qu’il me serait possible de grouper, parmi les Français, les consentements voire les enthousiasmes, et d’obtenir des étrangers respect et considération. Les gens qui, tout au long du drame, s’offusquèrent de cette intransigeance ne voulurent pas voir que, pour moi, tendu à fouler d’innombrables pressions contraires, le moindre fléchissement eût entraîné l’effondrement. Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner les sommets et n’en descendre jamais plus.

La première chose à faire était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour cela. Dès l’après-midi du 17 juin, j’exposai mes intentions M. Winston Churchill. Naufragé de la désolation sur les rivages de l’Angleterre, qu’aurais-je pu faire sans son concours ? Il me le donna tout de suite et mit, pour commencer, la B.B.C. à ma disposition. Nous convînmes que je l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain aurait demandé l’armistice. Or, dans la soirée même, on apprit qu’il l’avait fait. Le lendemain, à 18 heures, je lus au micro le texte que l’on connaît. A mesure que s’envolaient les mots irrévocables, je sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j’avais menée dans le cadre d’une France solide et d’une indivisible armée. A quarante-neuf ans j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries. »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 « L’Appel (1940-1942) », Paris, Plon, 1954, p 70.


« J’eus, bientôt, la certitude qu’en dépit des pressions des autorités de Vichy, des calomnies de leur propagande, de la mollesse d’un grand nombre, c’est sur la France Libre que le peuple portait ce qui lui restait de fierté et d’espérance. La pensée de ce que m’imposait à moi-même cet appel suprême de la nation ne m’a plus quitté un instant dans tout ce qu’il me fallut entreprendre et supporter. »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 « L’Appel (1940-1942) », Paris, Plon, 1954, p 85.

Repères biographiques et historiques

Chef de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle relate ses souvenirs et partage ses réflexions dans ses Mémoires de guerre publiées en trois tomes. Dans le premier volume intitulé « L’Appel (1940-1942) » en référence à son discours du 18 juin 1940, acte fondateur de la Résistance, il analyse les raisons de la défaite française de mai-juin 1940 et retrace les difficultés pour forger la France combattante.

Lors de la bataille de France (10 mai-25 juin 1940), de Gaulle est l’un des rares officiers à opposer une résistance aux armées allemandes. En effet, à Montcornet près de Laon, puis près d’Abbeville, il repousse les attaques ennemies. Le 25 mai 1940, il est promu général de brigade ; le 6 juin, il entre au gouvernement comme sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale ; le 14, les Allemands défilent dans Paris ; le 16, de Gaulle est en mission à Londres et parvient à négocier une union franco-britannique pour poursuivre les combats ; le 17, apprenant à son retour en France que le maréchal Pétain est devenu chef du Gouvernement, il repart dans la capitale britannique ; le 18, en réponse à l’allocution de Pétain demandant aux Français de cesser les combats, il prononce son appel au micro de la BBC grâce au soutien du Premier ministre britannique, Winston Churchill ; le 22, Pétain signe l’armistice. Quelques semaines après, le régime de Vichy, qui fait entrer la France dans la voie de la collaboration, déchoit de Gaulle de la nationalité française, puis le condamne à mort par contumace et lui confisque ses biens.

Dès lors, de Gaulle poursuit une triple action depuis Londres, puis Alger : reconstituer une armée dans les colonies françaises, organiser et unifier la Résistance en métropole, et faire reconnaître le statut de puissance de la France sur le plan international.

Les pistes pédagogiques

1. Points de programme

  • En classe de 3ème :
    – Français : « Agir dans la cité : individu et pouvoir. »
    – Histoire : « La France défaite et occupée. Régime de Vichy, collaboration, Résistance. »
  • En classe de Terminale :
    – Histoire, voie générale : « La Seconde Guerre mondiale. »
    – Histoire, voie technologique : « De Gaulle et la France libre. »
    – Humanités, littérature et philosophie : « L’Humanité en question », entrée sur « Histoire et violence. »

2. Objets d’étude

  • La France dans la Seconde Guerre mondiale : de l’effondrement au redressement (Blitzkrieg, bataille de France, régime de Vichy, Résistance…).
    Documents en écho :
    – Discours du maréchal Pétain du 17 juin 1940 ;
    Appel du 18 juin 1940
  • Le général de Gaulle, figure paradoxale du solitaire et du rassembleur ?
  • Le genre des Mémoires.
  • Écrire l’Histoire, entre objectivité et subjectivité (les Mémoires de guerre, un projet mémoriel et politique entre apport historique fiable et minutieux, et récit dominé par l’idée de destin).
  • Écrire l’Histoire. Du récit historique à la réflexion sur l’Histoire : une esthétique de la grandeur (écriture tour à tour narrative, explicative, dramatique, épique et lyrique).
  • Du document à la littérature : les procédés rhétoriques au service du récit historique.
  • De Gaulle par de Gaulle : les différents statuts du « je » et de « nous » au service d’un autoportrait héroïque (« je » auteur, narrateur, témoin et acteur, « je » commentateur, « nous » la France, « nous » pluriel de majesté…).

3. Pistes pour une tâche finale

  • Réaliser des tracts de résistance.
  • Élaborer une courte émission radiophonique sur l’évolution de la France durant la Seconde Guerre mondiale.
  • Imaginer un dialogue entre la France et le Général au cours du conflit.
  • Construire l’édition numérique enrichie des textes (notes, illustrations, éléments d’interactivité…).
  • Rédiger un essai sur l’expérience éthique et/ou esthétique tirée de la lecture des textes.
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